L’après-pétrole passera-t-il aussi par le génie logiciel ? Le fabuleux temps de la médecine connectée

Spécialistes et experts des questions énergétiques ne donnent pas plus de 30 ans à l’Algérie avant de voir ses ressources en hydrocarbures s’épuiser et, du coup, ses revenus connaître le même sort. Internet, 3G, smartphones, innovations… les pistes d’un tournant sont là, il suffit de choisir la voie. Parmi celles-ci, l’alternative qui conduit aux applications de santé !

Ils sont jeunes, ingénieurs informaticiens ou électroniciens, des as du développement d’applications sur différentes plates-formes, des virtuoses de l’ingénierie logicielle capables d’écrire des milliers de lignes de codes en des temps records, qu’importe s’ils en deviennent des « créatures » de la nuit. Parmi ce vivier de diplômés fraîchement sortis des universités algériennes, certains ont la particularité d’avoir choisi d’utiliser leurs compétences et leur génie pour apporter des réponses à la « détresse » humaine, essayant d’imaginer et de créer des alternatives technologiques en mesure de l’atténuer ! Pourtant, ils ne sont pas médecins et n’ont, encore moins, suivi un cursus qui aurait pu les y conduire.

Cas d’école !
Justement, que peut produire un jeune ingénieur électronicien avec de l’« audace », de l’imagination et un peu d’empathie ? Des chaussures bourrées d’électronique reliées à une application mobile destinées aux malvoyants. Une prouesse technique signée par Sid Ali Rezetane, avec son acolyte Badreddine Zebbiche, tous deux étudiants en post-graduation de l’Institut de génie électrique et d’électronique de l’université de Boumerdès. Depuis 2013, travaillant sur ce concept en même temps qu’ils achevaient leur master, chacun dans son domaine de prédilection, ils peaufinent ce qu’ils ont basiquement labellisé « Guide Me », des chaussures munies de capteurs et de microcontrôleurs capables de guider son porteur en lui transmettant, à travers une connectique Bluetooth, les informations sur l’environnement immédiat dans lequel il évolue. Obstacles, itinéraires, lieu prédéterminé… «Guide Me » passe en revue une somme de paramètres, puis les interprète pour en faire une synthèse vocale que le malvoyant peut suivre à partir de son smartphone qui, à son tour, lui communique des instructions, ainsi que des indications sur le chemin qu’il doit suivre ou lui reste à parcourir. Autre fruit de cette alchimie entre technologies et « humanisme », celui de Fayçal Rezig, qui, lui, a développé une solution qui permet à des personnes à mobilité réduite, incapables d’ordinaire d’utiliser un clavier ou une souris, de recourir à un système inédit qui leur donne accès à l’utilisation d’un ordinateur. «Two Keys », littéralement deux clés, est une application constituée de deux boutons reliés à un ordinateur par une clé USB sans fil qui peut être utilisée par la personne avec un handicap moteur, soit avec les doigts, la main ou même les pieds. Elle s’affranchit de la sorte de souris et de clavier et se sert d’un menu développé pour la circonstance de parcourir son ordinateur selon un jeu de combinaisons propres à chaque action.

Un puissant potentiel !
Les exemples sur les capacités des étudiants algériens sont légion, mais de plus en plus, ils choisissent d’investir leur temps dans des applications et des solutions liées de près ou de loin à la santé humaine. Projets communautaires qui mettent en relation les malades entre eux pour un échange d’expériences, d’autres en relation avec la gestion à distance des malades et la liste est encore longue ! Evidemment, c’est le plus souvent l’entourage proche qui inspire ce genre de solutions ou qui oriente la réflexion vers le développement de réponses technologiques à des problématiques bien humaines. Aujourd’hui confinée à des initiatives individuelles, ou de groupes d’étudiants, ou même en tant que hobby, la création d’applicatifs destinés à la santé pourrait s’avérer être un filon intarissable en revenus, à la mesure du génie humain.
D’autant plus que l’Algérie doit, à un moment ou un autre, considérer sérieusement d’autres pistes de revenus en dehors des hydrocarbures qui, eux, ont une fin. Les exemples cités précédemment ne représentent que le potentiel dormant d’un marché qui, sous d’autres cieux, aiguisent les appétits des plus grands industriels et les investisseurs. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : le marché mondial des applications de santé à lui seul, principalement sur les plates-formes mobiles, a été estimé par les spécialistes à 26,5 milliards de dollars à l’horizon 2017, échéance à laquelle le nombre de mobinautes, donc de personnes qui se connectent directement à partir de leurs smartphones, à 1,3 milliard d’utilisateurs ; au moment où actuellement, sur les différents canaux de diffusion d’applications, plus de 100 000 d’entre ces dernières concernent directement la santé, et dont 40% sont payantes. L’Algérie pourrait même devenir exportatrice, d’autant que, une nouvelle fois, le marché des applications mobiles est ouvert sur le monde.

Brevets, l’autre mine d’or
Au-delà du potentiel économique qui sous-tend le développement d’applications pour la santé, réside un autre intérêt à créer des solutions innovantes, aussi bien pour le développeur lui-même qu’à l’échelle de tout un pays : celui des brevets.
D’ores et déjà, une proposition de dépôt d’un brevet pour le « prototype » des chaussures « Guide Me » a été déposé par Sid Ali Rezetane, ainsi que son comparse auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INAPI). Ils sont actuellement dans l’attente d’une réponse, mais les brevets d’invention ou du moins leur nombre dans un pays sont un indicateur de puissance et même de souveraineté d’ailleurs ! Actuellement, l’Algérie a produit moins de 200 brevets en 2011, et elle n’a pas fait mieux l’année suivante, selon les données de la Direction de recherche du Cerist. Un taux extrêmement bas, voire dangereusement bas dans la mesure où si le marché des applicatifs mobiles explose en Algérie, le pays ne sera pas en mesure de protéger ses « créatifs », d’autant plus qu’il n’existe pas de frontières à proprement parler dans un monde ultra connecté qui ouvre des opportunités insoupçonnées autant pour les jeunes développeurs que pour un pays qui profitera d’un impact économique inévitable ; tirant profit de la « valeur ajoutée » d’un écosystème qui naîtra de l’interaction d’acteurs divers dans une même chaîne économique. Dans le cas qui nous concerne, celui de la santé humaine. Encore une fois, la clé, la seule, reste l’innovation. Une innovation accompagnée de beaucoup d’audace tout de même.

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